« Voulez-vous que l’Algérie devienne un État indépendant coopérant avec la France dans les conditions définies par les déclarations du 19 mars 1962 ? »
En votant à 99,72 % en faveur du « Oui » à la question qui leur est posée dans le cadre du référendum d’autodétermination organisé le 1er juillet 1962, le peuple algérien ouvre la voie de son indépendance.
Deux jours plus tard, le 3 juillet 1962, soit un peu plus de trois mois après le cessez-le-feu du 19 mars 1962 prévu par les accords d’Évian, la France reconnaît officiellement l’indépendance de l’Algérie.
Plusieurs phénomènes peuvent permettre d’expliquer, en partie, le dénouement de la crise algérienne qui intervient alors.
D’une part, on peut avancer que, du point de vue des Français de métropole, la situation politico-militaire de l’Algérie n’a de cesse de s’enliser et génère une défiance de l’opinion publique métropolitaine vis-à-vis des solutions politiques mises en œuvre depuis 1954. Aussi, à la faveur de la crise algérienne survenue au cours du mois de mai 1958, de l’internationalisation du conflit et de la reprise de l’initiative militaire qui découle du plan Challe mis en place à partir de février 1959, le général de Gaulle multiplie rapidement les signes politiques en faveur d’un désengagement militaire et politique de la France en Algérie.
D’autre part, le droit de vote accordé à dessein par le général de Gaulle à l’ensemble de la population algérienne le 4 juin 1958, permet finalement, contre toute attente, aux Algériens, de peser significativement dans le devenir politique de leur pays à partir du discours prononcé par le général de Gaulle le 16 septembre 1959. En effet, les deux grandes consultations populaires et les succès référendaires qui en découlent, permettent à la fois de légitimer la politique algérienne menée par le président de la République et de faire admettre le principe d’indépendance de l’Algérie dans les consciences.
Ainsi, cinquante ans après, il semble qu’au-delà des décisions et des influences politiques exercées entre 1954 et 1962, de part et d’autre de la Méditerranée, l’indépendance de l’Algérie apparaît comme essentiellement un fait du peuple. En effet, dès lors qu’il a eu la possibilité de s’exprimer démocratiquement dans les urnes, le peuple algérien a choisi de se déterminer, par et pour lui-même, malgré les directives initiales du FLN (Front de libération nationale), malgré les attentats de l’OAS (Organisation armée secrète) et enfin, malgré les pressions quotidiennement subies depuis 1954.
Dans ce contexte, qu’apprennent les images photographiées ou tournées par les opérateurs du Service cinématographique des armées (SCA) ? Quelle place tiennent-ils et quelle est leur légitimité à photographier l’indépendance algérienne ?
En effet, le 5 juillet 1962, l’Algérie n’est officiellement plus la France. Pourtant, malgré les consignes, plusieurs opérateurs photographient et filment les manifestations de joie du peuple algérien dans les rues d’Alger ou d’Oran. Une fois encore, les décors sont essentiellement urbains, mais ce qui interpelle, ce sont les regards, les postures, les foules. Les Algériens sont là et c’est une foule souriante qui croise et qui accueille les objectifs des opérateurs du SCA.
C’est que pour la première fois, le dispositif est renversé. Les opérateurs du SCA ne sont pas là pour participer à une mise en scène visuelle, à une représentation commandée des Algériens. Les opérateurs du SCA photographient et filment, de leur propre initiative, les hommes, les femmes et les enfants d’une nouvelle nation.