De son vrai nom Ammar Ali, est un combattant du FLN pendant la guerre d'Algérie, participant notamment à la bataille d'Alger, aux côtés de Hassiba Ben Bouali, Zohra drif, Petit Omar et Yacef Saadi chef de la Zone Autonome d'Alger (ZAA).

Ali voit le jour le 14 mai 1930 à El Annasser en contrebas de la ville de Miliana en Algérie. Fils d'Ahmed Ben Abdelkader et de Talakhir Fatma Bent ahmed, il est le dernier-né de sa famille dont le père, paysan sans terre qui était déjà dans les rangs du Parti du Peuple Algérien.(PPA)., travaille comme khammès (métayer au quint) dans les fermes des colons.

Il est vite connu pour son caractère turbulent et rebelle. Très tôt, il lui faut se démener pour survivre dans des conditions difficiles, aggravées par la grande misère qui est alors le lot quotidien des Algériens sous le colonialisme. À treize ans, il connaît déjà les affres des maisons de redressement, où, adolescent, il peut observer les atrocités qu'endurent beaucoup de ses compatriotes. Libéré, il se rend à Alger dans la banlieue au haut de Pointe-Pescade - (Bouzareah). C'est de là que va lui venir son surnom d'Ali la Pointe. Ses parents sont bien trop pauvres et le gosse ne peut pas aller à l'école. Il fait tous les petits métiers qu'Alger offre aux milliers de gamins à demi abandonnés qui errent dans la Casbah, dans le vieux quartier de la Marine, à la merci des clochards. Il va dans les rues des quartiers européens proposer des chewing-gums, des peignes, ou s'en va trimbaler sur ses épaules la petite caisse du cireur qui ravit tant les touristes. Rapidement, Ali fait partie de l'un de ces gangs de « yaouleds », exploités par des Algériens sans scrupules comme Tahar Cherif (abattu plus tard par les commandos de Bouchafa) qui dirigeait une bande d'enfants, de mendiants, de soi-disant aveugles, de marchands de billets de loterie, avec la complicité de la police à qui il servait d'indicateur précieux. C'est dans ce milieu qu'Ali la Pointe grandit. C'est un enfant des rues devenu un homme et qui sait tout de la vie la plus dure, la plus ignoble.

À dix-huit ans, il s'inscrit dans un club de boxe de Bab El-Oued, tout en suivant une formation en maçonnerie.

Il est grand, beau, costaud et d'un physique avantageux que ses tatouages mettent en valeur : il porte l'inscription « Zoubida Cheda Fi allah » sur la main gauche, « marche ou crève » sur le pectoral gauche et « Tais-toi » sur le dessus du pied droit. Très vite, les prostituées de la Casbah le trouvent à leur goût. Séduites par ses yeux marron, ses cheveux châtain clair bouclés, plusieurs d'entre elles se mettent à son service... Il devient souteneur et ajoute à ces activités celles de joueur de bonneteau. D'un caractère changeant, irritable, Ali la Pointe acquiert vite la réputation d'un homme redoutable dans le milieu de la vieille ville d'Alger. Toute la Casbah le connaît. Poursuivi à plusieurs reprises, il n'hésite pas à tirer sur les policiers.

Découverte du FLN
En 1954, arrêté pour bagarre, il écope de deux ans de prison. Son séjour à Barberousse va changer sa vie. Il est mis dans une cellule où l'on entasse les Algériens à trente ou trente-cinq. Il va y découvrir la Révolution en faisant la connaissance des militants du FLN. Les premiers qui ont été arrêtés, en novembre 1954, n'étaient pas considérés comme des « prisonniers politiques » mais comme des « droit commun ». À ce titre, ils se retrouvent mêlés aux voleurs, proxénètes et malandrins de toute sorte. Ils profitent des longues journées d'inaction pour se transformer en enseignants. Ils éduquent Ali la Pointe. Ils ont décelé dans ce jeune homme impulsif, révolté, courageux mais sans réflexion, un terrain de choix :

« Tu es victime du colonialisme, lui expliquent-ils. Si tu ne sais ni lire ni écrire, c'est leur faute. Si tu as fait tout cela, le bonneteau, les filles, les cambriolages, c'est qu'on ne t'a jamais rien appris d'autre. Maintenant, tout va changer. Le FLN accueille toutes les bonnes volontés : tu vas lutter pour ton pays. Viens avec nous. »

Lorsqu'il quitte la prison Barberousse pour la ferme-prison modèle de Damiette dans les environs de Médéa, Amara Ali, le petit malfrat multirécidiviste, n'est plus. Il a fait place à Ali la Pointe, militant FLN, qui n'a plus qu'une idée en tête : s'évader et rejoindre le Front. Projet qu'il met à exécution.

Il s'évade le 2 avril 1955 en compagnie d'un camarade de cellule, Morane Guenaoui, et se rend à Blida puis à Alger. Il entre dans la clandestinité dans la Casbah. Il ne perd pas de temps.

Rencontre avec Yacef
En octobre 1955, Yacef Saadi futur chef de la Zone autonome d'Alger a enrôlé une nouvelle recrue dont la présence au sein des commandos FLN va influencer le déroulement de ce que l'on appellera, en janvier 1957, la bataille d'Alger. Cet homme c'est Ali la Pointe. Yacef Saadi a été averti par un informateur de la Casbah qu'un dur, un « prêt-à-tout », veut s'engager dans les rangs du FLN d'Alger. « C'est un ancien mac », a ajouté l'informateur, mais il est « tombé » et vient de s'évader. Un type bien, malgré tout. Yacef Saadi se méfie : un souteneur qui s'évade et qui veut rejoindre le Front, cela sent la machination policière destinée à noyauter les commandos. Yacef est bien placé pour savoir combien la police est désireuse de se glisser dans les rangs du FLN.! « Ce type doit être manœuvré, » conclut-il. Il accepte pourtant de le rencontrer. Mais dans la rue, au milieu de la foule, pour éviter une éventuelle souricière.

Yacef repère tout de suite son homme : grand, beau garçon, habillé à l'européenne d'une façon un peu trop voyante qui souligne son physique d'ancien boxeur. Il l'aborde et tout de suite le met en confiance. Oui, le F.L.N. t'accepte. Le jeune homme exulte. « Mais avant, raconte-moi un peu ta vie », demande Yacef ; Ali lui raconte tout sur sa vie : de son enfance misérable à Miliana jusqu'à sa venue à Alger.

Il a réalisé son projet et se trouve pour la première fois devant Yacef Saadi sur le boulevard de Verdun. Satisfait par le récit mais toujours méfiant, le chef des commandos FLN décide de mettre sa nouvelle recrue à l'épreuve : le nouveau venu doit abattre un agent de police avant d'être accepté au sein de l'équipe. Le lendemain Ali la Pointe retrouve une militante FLN devant le 40 de la rue Randon. La jeune femme lui glisse dans la main un pistolet qu'elle tire de son couffin à provisions : « Tu vas tuer le flic qui boit au comptoir dans le café à côté, dit-elle à mi-voix. Ordre de Yacef. Après, tu me redonneras ton flingue et tu fileras. » Lorsque l'agent de police sortit, Ali, les yeux fous, tire à plusieurs reprises, visant le ceinturon. Mais aucun coup ne part. L'arme était vide! Le gardien, à son tour, dégaine. Ali se sauve à toutes jambes tandis que la foule s'égaille, de peur d'être prise dans une éventuelle fusillade. Lorsque, deux heures plus tard, Yacef revoit Ali, le jeune homme est fou de rage : « Tu m'as joué! L'arme était vide! J'aurais pu me faire prendre! » - « J'avais besoin de te mettre à l'épreuve, » répliqua Yacef, « c'était nécessaire pour juger de ta bonne volonté. » Ali, homme d'action, tout d'une pièce, ne comprend pas. Puis c'est l'illumination ... avec un redoublement de colère. Alors on le prend pour un traître ? Yacef doit expliquer : ayant été lui-même entre les mains de la police, il en connaît les méthodes. À la fin de la discussion, Ali, convaincu, est prêt à se sacrifier pour son pays.

Yacef Saadi-Ali la Pointe. Le tandem le plus terrible de l'histoire de la guerre d'Algérie vient de naître.

Assainissement de la Casbah et élimination des indics
Après avoir contribué de la manière que l'on sait à la prise en main de la population par le FLN, Yacef Saadi décide d'assainir la Casbah de ses traîtres. Il s'ouvre de son projet à Abane Ramdane : « Si je parviens à nettoyer la Casbah, dit-il, la tâche politique en sera facilitée. En revanche, si tu ne bouges pas, tes « politiques » seront donnés les uns après les autres à la police. Les indicateurs se multiplient dans la Casbah. Il faut les abattre et f... la trouille aux autres! » Convaincu, Abane donne carte blanche à Saadi : aidé d'Ali la Pointe, il doit assainir la Casbah. La décision que venait de prendre Abane conduira un an plus tard à la bataille d'Alger.

Ali connaît bien le monde du milieu que l'on trouve au sein de la Casbah. Ses informations vont aider considérablement la réalisation des projets de Yacef. Ali connaît tout le monde, les bistrots, les indics, les trafiquants de drogue, les joueurs de tchic-tchic, les maquereaux, les prostituées. Il a été en rapport avec toutes les bandes importantes. Depuis Hacène le Bônois jusqu'aux frères Hamiche en passant par les Européens Vincent la Rascasse et Jo Menella. Il les connaît tous et tous le connaissent sans avoir pu s'attacher les services de cet homme redoutable et dont le sang-froid est exceptionnel.

Pour l'heure, c'est au milieu algérois que Yacef et Ali ont décidé de s'attaquer. Ali la Pointe est tout de suite d'accord. Il a compris qu'il y va de sa dignité d'homme et que sa révolte antérieure était puérile. Il demeure toujours un analphabète qui se fait écrire ses lettres par son assistante Hassiba Ben Bouali mais il pressent que la cause nationaliste qu'il vient d'embrasser est bien plus importante que sa pauvre occupation. Il lui faut désormais d'autres adversaires plus valables que ceux contre lesquels il s'était révolté et d'autres causes plus nobles que celles de gagner simplement de l'argent. Il se jette avec exaltation dans son nouveau combat qui est pour lui une rédemption. La prise de conscience est rapide. Ali n'a que vingt-quatre ans et il vient de comprendre que toutes ses actions antérieures étaient « du cinéma ». Il en a assez de jouer les Humphrey Bogart et les Pépé le Moko. Lui qui ne voulait être au service de personne, qui avait choisi de travailler en indépendant, a, pour la première fois, trouvé son maître : Yacef Saadi. Il est prêt à le suivre au bout du monde. Yacef pourra tout lui demander. Il exécutera fidèlement, froidement. C'est lui qui va nettoyer la Casbah de tous ses proxénètes et de tous les petits truands qui voulaient continuer leur racket et leurs règlements de comptes, alors que la guerre bat son plein. Utilisant la persuasion puis la violence, il règle ce problème. Dès lors, il n'y a plus d'autre autorité que celle du FLN sur les 80 000 habitants de la Casbah.

Plastiquage de la cache d'Ali la Pointe au 5, rue des Abdérames
Le chef direct d'Ali la Pointe, Yacef Saadi, est arrêté le 24 septembre 1957 par les paras du 1er REP dans une cache de la rue Caton, en haute Casbah, en compagnie de Zohra Drif, après avoir résisté. Conduit dans une villa d'El-Biar occupée par le régiment, il est mis au secret le plus absolu. Les deux prisonniers sont étroitement gardés par le 1er REP. Aucun contact ne leur est permis avec l'extérieur car Yacef et Zohra n'ignorent plus rien du double jeu d'un ex FLN, Hassan Ghendriche alias Zerrouk, retourné secrètement par le capitaine Léger, chef du GRE qui l'intègre dans l'équipe des « bleus de chauffe » ; il faut que ce double jeu se poursuive pour mettre le GRE sur la piste d'Ali la Pointe. Très vite, Zerrouk prend contact avec Ali, par une boîte aux lettres de secours. Léger apprend ainsi qu'Ali la Pointe se trouvait tout près de Yacef Saadi, le 24 septembre, et qu'il a rejoint une autre cache avec Hassiba Ben Bouali, Petit Omar (douze ans, agent de liaison et neveu de Yacef) et Mahmoud, autre agent de liaison. Ali la Pointe a sur lui de l'argent, quatre bombes complètes, et il désire que Zerrouk - qui pour lui est toujours le responsable militaire de la zone autonome - relance une vague d'attentats pour venger le grand frère. Lentement, Léger reprend la filature du courrier. Il lui faudra trois semaines pour arriver à localiser la planque d'Ali la Pointe au 5, rue des Abdérames en haute Casbah.

Le soir du 8 octobre 1957, l'opération est déclenchée de façon classique : quartier cerné, îlot contenant la cache investi par les paras du 1er REP. Les militaires ont fait évacuer la population des maisons comprises dans l'îlot. Il est minuit. Ils mènent toujours les opérations après l'heure du couvre-feu. Revêtu d'une jellaba dont le capuchon lui recouvre en partie le visage, Hassan Ghendriche, alias Zerrouk, est mené, en grand secret, au 5, rue des Abdérames. Il entre dans la maison vidée de ses habitants, se dirige au premier étage et fait déplacer par les paras un divan. Il leur montre, sur le mur, la trace de l'entrée de la cache, un rectangle en faïence murale d'environ 40 cm sur 50. Le régiment est, à cette époque, sous les ordres du commandant Guiraud, adjoint du colonel Jeanpierre, blessé lors de l'arrestation de Yacef, le 24 septembre. Il possède, dans sa cache, de l'armement et quatre bombes. Que va-t-il en faire? Les officiers des parachutistes essayent d'abord de parlementer avec lui. Ils frappent au mur en faïence de la cache et lui parlent à l'aide d'un mégaphone : « Rends-toi, Ali, c'est fini, Yacef est en prison ; nous te promettons la vie sauve. » Mais c'est le silence complet. Silence qu'explique peut-être l'épaisseur du mur de la cache. Ils répètent leur appel à plusieurs reprises. Craignant une réaction désespérée d'Ali, ils font évacuer le bâtiment par tous les paras qui ne sont pas absolument utiles. Ne restent dans la maison que les officiers de renseignements.

À 5h du matin la mise à feu.

Finalement, le commandant Guiraud décide de faire sauter la cache en plaçant des charges de plastic aux angles. Heure H : 5 heures ; un groupe de sapeurs vient se mettre à la disposition du capitaine commandant du 1er REP. Très vite, tout est prêt. La maison est maintenant totalement évacuée. Une dernière fois, le capitaine Allaire tente d'obtenir une réponse d'Ali la Pointe en lui parlant au mégaphone : le silence est toujours absolu. Comme il a été décidé, c'est la mise à feu. L'explosion est d'une violence inouïe. Des gravats de toute sorte vont retomber jusque sur les jeeps P.C. stationnées rue Randon. Une poussière extrêmement dense se dissipe : la maison a disparu, littéralement soufflée.

Maintenant, il est indispensable de déblayer pour retrouver le corps d'Ali la Pointe. Les compagnies du 1er REP se relaient, nuit et jour rue des Abdérames. On relève de nombreux corps de civils et, parmi eux, des femmes et des enfants victimes de l'explosion. C'est dans les derniers jours que seront trouvés les corps d'Ali la Pointe, de Hassiba Ben Bouali et de Mahmoud puis, quelque temps après, le corps du Petit Omar qui a été propulsé au travers de toute la maison, pour s'arrêter sur le porche en pierre. Un mètre de plus, et il tombait sur le lieutenant Gillet. Tous les corps étaient parfaitement identifiables.

Source: http://fr.wikipedia.org/wiki/Ali_la_Pointe

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