Le 1er juillet 1946, un débat radiophonique réunit notamment Ferhat Abbas, Albert Camus et Jean Amrouche sur le thème « Y a-t-il un problème algérien ? ».

Tenu une bonne année après le massacre de mai 1945 dans le Nord-Constantinois et 8 ans avant le début de la guerre d’indépendance, ce débat fort policé entre « Algériens »  est aujourd’hui un document saisissant sur l’état d’esprit et les positions des uns et des autres, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, sur la situation et l’avenir de l’Algérie française.

L’Histoire, nous le savons aujourd’hui, leur mord la nuque. Camus attaque ainsi : « s’il y a un problème algérien alors il dure depuis 116 ans », puis il évoque les « milliers de vies » perdues l’année précédente…

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Débat autour de l’évolution du problème algérien : faut-il aller vers l’assimilation ou l’émancipation de l’Algérie? Débat mené par Paul GUIMARD avec quatre députés d’Algérie : Ferhat ABBAS (secrétaire général du groupe démocratique des amis du manifeste et député de Constantine) , Raoul BORRA (député-maire de Bône, SFIO) , Kaddour SATOR (député de Constantine et membre du groupe démocratique des amis du manifeste ), Paul Emile VIARD, (doyen de la faculté de droit d’Alger, député MRP d’Alger), Albert CAMUS (écrivain) et Jean AMROUCHE (directeur de l’Arche). – A 2’09 : les invités définissent cette question du « problème algérien ». La responsabilité éventuelle de Ferhat ABBAS dans la situation difficile de mai 1945. Chacun précise sa position. – A 6’00 : Ferhat ABBAS expose à son tour sa vision des événements de mai 1945. Demande qu’une commission d’enquête soit ouverte et appelle à l’amitié des musulmans et des français. – A 7’07 : Albert CAMUS donne les éléments du malaise algérien basé sur la crise économique mais surtout sur une crise politique. Paul Emile VIARD confirme l’impact de la crise politique. Ferhat ABBAS explique que l’Algérie a autant besoin de pain que de réformes de structures portant sur le plan politique. – A 9’20 : Ferhat ABBAS définit ces problèmes politiques. Il appelle à développer une politique allant vers la spécificité algérienne, il évoque trois problèmes à règler : colonial, féodal et politique. – A 10’20 : Jean AMROUCHE souligne que le problème porte surtout sur un malaise moral qui vicie toutes les questions posées. Inégalités dans la société algérienne. – A 11’56 : Paul Emile VIARD voit quant à lui deux faces au problème et prône l’intégration des algériens dans la vie française métropolitaine et algérienne. Il explique ensuite qu’il ne croit pas à l’existence d’une véritable personnalité algérienne. – A 13’57 : Raoul BORRA insiste sur la nécessité de régler la crise économique du pays. – A 15’45 : Ferhat ABBAS lui répond que 116 ans de colonisation n’ont pas réduit l’Algérie à trois départements français et que la réforme politique est primordiale pour continuer le dialogue. Il décrit sa vision de la coopération future entre la France et l’Algérie. – A 17’23 : Albert CAMUS reconnait que les français ont intérêt à considérer autrement la civilisation arabe (considérée jusqu’alors comme une civilisation inférieure) et appelle à son respect. Il reproche la lenteur du monde politique à suivre l’évolution de la situation ce qui risque de mener, à son avis, à un choc de civilisation. Il anticipe les conflits coloniaux à venir et appelle la France à être la première à préparer l’après-colonialisme, à l’anticiper et à devancer ainsi l’histoire. – A 19’28 : Ferhat ABBAS explique ce qu’attendent les algériens concrètement. – A 20’00 : Jean AMROUCHE se demande si il faut aider les algériens à aller vers l’autonomie. Il explique qu’en Algérie l’éveil politique va mener inévitablement à l’éveil d’une conscience nationale. On ne pourra pas stopper ce mouvement il faut donc aller dans le sens de Ferhat ABBAS. (Considérer la France comme une fédération de pays dans laquelle l’Algérie pourra être indépendante). – A 21’59 : Albert CAMUS donne sa vision du nationalisme. Il voudrait que l’on aide les algériens à passer rapidement le stade du nationalisme pour aller à celui d’internationalisme. La France, à l’intérieur de son empire, pourrait créer les conditions d’un fédéralisme en avance sur l’histoire. – A 23’08 : Jean AMROUCHE appuie les propos de CAMUS et demande aux auditeurs de prendre conscience de cette nécessité fédérale. Mais il met en doute la capacité de la politique à anticiper la situation. – 23’32 : Paul Emile VIARD revient sur le terme « assimilation » qu’on a trop vite critiqué à son avis. Il compte sur le génie universel de la France pour que tous deviennent des français tout en conservant leurs spécificités sociologiques. – A 24’34 : Conclusion de l’émission par Raoul BORRA qui estime que l’Algérie n’est pas encore assez mûre pour s’émanciper (il prend comme argument l’illétrisme des algériens ). [On entend Ferhat ABBAS s’indigner]. – A 25’16 : Indicatif de fin et désannonce de l’émission. (INA)

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